Un guide pour favoriser l’équité hommes-femmes en génie au Québec

Dévoilé le 12 janvier, le nouveau guide réalisé par l’Ordre des ingénieurs du Québec présente des solutions pratiques pour lutter contre la discrimination des ingénieures.

Dans un monde idéal, la parution d’un guide portant sur les formes directes et indirectes de discrimination envers les femmes dans le domaine du génie serait inutile. Mais au sein d’un milieu encore constitué au Québec à 85% d’hommes et dans lequel 45% des femmes avouent avoir fait l’objet d’ostracisme au cours de leur carrière – 26% indiquent qu’elles en vivent encore – l’importance que revêt un document qui reflète ce qui se passe sur le terrain et propose aux employeurs et aux gestionnaires des solutions concrètes pour régler ce problème est cruciale.

Une importance d’autant plus grande que dans un contexte de rareté de main-d’œuvre, actuelle comme à venir, les femmes sont amenées à jouer un rôle de plus en plus central en ingénierie, au Québec comme ailleurs. Cette réalité, l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ), partie prenante de l’initiative pancanadienne 30 en 30, dont l’objectif est de compter un ratio de 30% de femmes en génie en 2030, en est parfaitement consciente. La présidente de l’Ordre Kathy Baig, qui représente elle-même un des rares modèles de leadership féminin dans ce domaine au Québec, a fait de ce thème un de ses principaux chevaux de bataille.

Comme elle l’a expliqué lors d’une récente entrevue avec La Presse, « Le but du guide n’est pas seulement d’intégrer plus de femmes, mais de faire en sorte qu’elles se sentent traitées plus équitablement au sein de l’entreprise ». Aussi quelle est la situation qui prévaut encore en matière de discrimination dans le génie québécois, et quelles sont les grandes lignes des pistes de solution suggérées dans ce guide ?

Extrait de la couverture du guide Femmes en génie

La discrimination des ingénieures en chiffres

Le guide produit par l’OIQ, intitulé Femmes en génie. Guide de l’employeur pour un milieu de travail plus diversifié, inclusif et équitable débute par un état des lieux de ce domaine d’activités en matière d’équité hommes-femmes.

Même si 84% des femmes se disent heureuses dans leur emploi, que 9 sur 10 d’entre elles (87%) recommanderaient cette carrière à leurs filles et que sentiment d’appartenance, et qu’elles ont un sentiment d’appartenance envers leur profession plus fort qu’avant (de 60% en 2009 à 79% en 2019), il reste que 58% d’entre elles ont déjà pensé changer de carrière (contre 47% des hommes), et que 30% des ingénieures estiment qu’être une femme en génie est un désavantage.

Actuellement, les secteurs du génie qui comptent le plus de femmes dans leurs rangs sont l’alimentation (57%), le biomédical et la biotechnologie (51%), la gestion des eaux (45%), l’environnement et les bioressources (43%). Par contre, ces taux dégringolent à 9% ou moins dans des domaines comme le génie électrique, le génie mécanique, le génie logiciel et informatique, ainsi que le génie de la production automatisée (5% seulement).

D’autres données sont aussi éclairantes, comme le fait qu’en moyenne, les ingénieures gagnent 11% de salaire en moins que leurs confrères masculins. Les employeurs leur confient également moins de responsabilités, leur donnent moins de promotions, moins de primes et d’occasions d’embauche. Quant au pourcentage des femmes présentes dans des rôles de gestionnaires, il est là aussi révélateur avec 9% à des postes de supervision (contre 12% chez les hommes), et un maigre 1% à des postes de vice-présidence (contre 4% chez les hommes).

C’est ce qui a fait dire à Kathy Baig, toujours dans son entrevue avec La Presse, « Quand on a vu ces données-là, ça a été une déception. Étant moi-même une ingénieure qui travaille dans le milieu, je sais comment ça se passe. Voilà pourquoi on a voulu être un acteur de solutions. »

Bonnes pratiques en matière d’équité dans le génie

L’OIQ propose aux employeurs une démarche en trois temps pour faciliter l’équité et la vivre harmonieusement au sein de leur entreprise.

En premier lieu, il est recommandé de procéder à un bilan honnête de la situation, en recourant à la participation du personnel. Cette étape comprend plusieurs sphères :

• Le recrutement, avec des questionnements comme : quelle est la proportion des candidates féminines, est-ce qu’on leur octroie un salaire similaire à celui des hommes, etc.
• La gestion : à quels échelons se situent les femmes dans l’entreprise, des politiques sont-elles mises en place pour favoriser l’inclusion et lutter contre le harcèlement, comment se présentent leurs évaluations, quel est le taux de roulement des femmes comparé à celui des hommes, etc.
• Le développement professionnel : les femmes ont-elles des occasions d’avancement, de prise de parole, ont-elles accès à des formations continues, etc.

En second lieu, une fois ces données colligées, les employeurs peuvent se donner des cibles et un calendrier réaliste pour les atteindre. Par exemple, établir la parité salariale, aller chercher plus de candidatures féminines, faciliter leur avancement, ou encore offrir des facilités de conciliation travail-famille.

En troisième lieu, il faut mettre en branle tous les moyens possibles pour atteindre ces cibles. Opter pour la langue inclusive dans les offres d’emploi, poser les mêmes questions à tous les candidats sans s’attarder aux détails familiaux d’ordre privé, établir des évaluations avec des critères précis pour éviter les biais de genre, adopter une politique d’équité, mettre en place des mesures de flexibilité, sensibiliser tout le personnel à la discrimination, offrir des formations en leadership destinées spécifiquement aux femmes, lancer un programme de parrainage et de marrainage… Beaucoup de solutions intéressantes sont indiquées dans le guide.

Finalement, ce que ce guide illustre, c’est que même s’il reste du chemin à parcourir en matière d’équité et d’inclusion dans le génie québécois, chaque pas en direction de ces objectifs représente un gain pour l’industrie. Une belle initiative.

Photo centrale : photo contenue dans le guide Femmes en génie. Crédit OIQ